Image et politiques

Le look des politiques : le palmarès de l'Obs

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La veste Forestière de François Fillon à Brégançon disséquée par les analystes politiques comme la plus signifiante des petites phrases. Le tailleur-pantalon classique de Ségolène Royal à la Fête de la Fraternité, deux ans pile après sa tunique bleue « apesanteur » du Zénith. Les escarpins, dignes d’une maîtresse SM, de Nathalie Kosciusko-Morizet lors de son retour au ministère de l’Ecologie… L’année 2010, si elle a été passionnante du strict point de vue politique, a été aussi marquée par l’émergence du look et des métamorphoses comme sujets d’étude. Ils apparaissent désormais comme autant d’éléments d’information qui racontent, en creux, où en sont les responsables politiques. Alors que les primaires socialistes ont déjà commencé et que nous sommes à la veille du début de la course à l’Elysée 2012, il nous a donc paru amusant de leur décerner des prix du look.

LE JURY

GAËL SLIMAN, directeur général adjoint de l’institut de sondage BVA et directeur du Pôle opinion.

ANNE BOULAY, rédactrice en chef du magazine masculin GQ.

SÉBASTIEN THOEN, membre du groupe Action discrète, dont l’émission est diffusée tous les dimanches sur Canal+ à 14h55.

CAROLINE BALY, directrice de l’agence Image Nouvelle spécialisée dans le relooking, qui conseille notamment des personnalités politiques.

FRANÇOIS BAZIN, rédacteur en chef du service politique du Nouvel Observateur.

 

NOUVEL OBS VISUEL rama yadeLe grand prix du jury : Rama Yade

 

Le jury s’en défend : non, ce n’est pas le seul visage de déesse de Rama Yade qui lui vaut le grand prix. Mais bien la cohérence de sa plastique et de son positionnement, libre et impertinent. « Dans le mix look, charisme et idées politiques, elle est très performante. Elle dégage un truc extraordinaire », estime Gaël Sliman. Congédiée du gouvernement, elle n’en est que plus populaire aux yeux des Français, et de notre jury.

Deuxièmes ex aequo, un surprenant duo droite-gauche : François Fillon et Daniel Cohn-Bendit. « Le rat des villes et le rat des champs », résume François Bazin. Le Premier ministre est tout simplement, selon l’experte Anne Boulay, « l’homme le mieux habillé de France. Y compris avec ses chaussettes rouges. Et c’est un effort qui ne se voit pas. » Seul bémol : ses « jeans de mère de famille américaine ». Fort consensus, aussi, autour de la « cohérence » de Daniel Cohn- Bendit, fidèle à ses Converse. « Il a un côté décalé qui va avec son discours », observe Caroline Baly. « L’air de rien, il sait exactement ce qu’il fait, il fait bien attention à mettre des chemises qui font ressortir ses yeux », détecte Anne Boulay.

Suivant au palmarès, un autre couple cent pour cent Bercy : Christine Lagarde et François Baroin. Devant la ministre de l’Economie, exécutive et classe, adorée à l’étranger, respect. « Elle est élégante, et on sent que c’est son vrai look, qu’elle le choisit elle-même », apprécie Anne Boulay. Qui se déchaîne ensuite sur le cas du ministre du Budget : « C’est la révélation de l’année ! Où étais-tu avant ? » François Bazin prédit doctement : « Il va bien vieillir. Il en a pour dix ans. » « Allez, quinze ! », espère Anne Boulay.

Dernier tandem de notre classement : Nathalie Kosciusko-Morizet et Benoît Hamon. La ministre de l’Ecologie se voit récompensée pour sa nouvelle allure, plus délurée, souvent tout en noir et en talons aiguilles. « Elle s’habille comme les filles d’aujourd’hui et prouve que l’on peut être compétente et sexy », dit le jury. Benoît Hamon, enfin, est primé pour l’ensemble de son oeuvre : la sobre constance du col roulé noir et du caban bien coupé, qui le rendent immédiatement reconnaissable. Et lui donnent une touche de jeunesse et de modernité dans l’aréopage de quadras socialistes. Résultat des courses : 3 femmes, 4 hommes, 5 de droite, 2 de gauche seulement. Question, donc : la gauche a-t-elle – aussi – un effort esthétique à faire pour revenir aux affaires ? Ou bien suffit-il d’être au pouvoir pour être attirant ?

 

nouvel obs cope visuelLe meilleur costume : Copé et Moscovici

 

Les débats pour ce prix ont été délicats. En professionnel des sondages, Gaël Sliman exige d’emblée des critères d’appréciation rigoureux. Juge-t-on le look au sens propre, la veste la mieux coupée, l’élégance naturelle ? Ou bien, au sens figuré, la personne qui endosse le mieux les habits du pouvoir ? On décernera donc une double récompense. Dans une pure logique de midinette, un Arnaud Montebourg aurait dû triompher sans encombre. Problème : « Les sympathisants de gauche trouvent qu’il fait de droite », assène Gaël Sliman. L’équation apparence- message est donc ratée. Autre nominé : Laurent Wauquiez. Mais, devant la photo du ministre soumise au jury, Sébastien Thoen s’écrie : « Avec son costume en lin beige, on dirait un acteur de film porno des années 1970 ! »

Et voilà que du bout de la table, François Bazin sort l’artillerie lourde. « N’oublions pas que Pierre Moscovici a de très belles chemises. Et le plus beau noeud de cravate, le plus naturel. » C’est vrai, le député du Doubs est connu pour sa coquetterie et sa garde-robe très étudiée. Voilà qui met tout le monde d’accord. « Il a les codes, il est né dedans », confirme Anne Boulay. « Tout tombe bien, impeccable, les cheveux coupés à ras à cause du début de calvitie », abonde la relookeuse Caroline Baly. Victoire logique, donc, pour celui qui s’était autocongratulé, dans le magazine « Grazia » : « A gauche, le mieux habillé, c’est moi ! »

Examen, ensuite, du cas Jean-François Copé. « Si on parle du look pur, il est hors-jeu. » Verdict sans appel de Gaël Sliman, appuyé par Caroline Baly : « Il connaît trop les codes pour être naturel. » En revanche, l’ambitieux nouveau secrétaire général de l’UMP est incontestablement « celui qui se voit le plus dans le costume ». Pour François Bazin, « il gagne le grand prix du “je m’y voyais déjà” ».

 

NOUVEL OBS VISUEL vallsLe meilleur tic vestimentaire : Valls et MAM

 

Manuel Valls, numéro 1 :

Caroline Baly : « Sa spécialité, c’est le ton sur ton : chemise et cravate assorties, du violet à l’orange, du bleu ciel au rose pastel, en passant par le blanc et le noir. Il pense que ça fait moderne. Et c’est rassurant pour lui : le matin, il ne se pose pas trop de questions pour s’habiller ! »

François Bazin : « Mais où il trouve ça ? Est-ce que les sous-vêtements sont pareils ?»

Gaël Sliman : « C’est très malin, le look récurrent. Un bon moyen mnémotechnique pour être reconnu du public. »

Michèle Alliot-Marie, numéro 2 :

Anne Boulay : « Elle a fait le tour des maroquins ministériels sans jamais abandonner son fameux jeté d’écharpe. »

Sébastien Thoen : « Ça lui donne un côté dominatrice, fouetteuse. »

 

NOUVEL OBS VISUEL fillonLe plus beau coup de l’année : Fillon

 

François Fillon, numéro 1 : On l’a déjà mille fois décortiqué, mais le jury n’en démord pas : à l’unanimité, le coup vestimentaire de l’année reste la veste Forestière de la boutique Arnys arborée par François Fillon l’été dernier à Brégançon. Petit conflit d’interprétation politique, tout de même, entre Gaël Sliman et François Bazin : fallait-il y voir un simple signe de décontraction estivale ? Une manière de dire à Sarkozy « je m’en fous, je suis peinard maintenant », à une époque où ses jours à Matignon étaient comptés ? Ou bien carrément une « agression » envers le président ?

Nathalie Kosciusko-Morizet, numéro 2 : NKM revenant au Ministère de l’Ecologie pour la passation de pouvoir avec Jean-Louis Borloo, perchée sur des low boots à talons vertigineux : « Elle a un côté Catwoman », dit Gaël Sliman. « Elle s’est trompée de soirée ! », juge Caroline Baly. François Bazin met en perspective l’anecdote : « Elle avait traité Borloo de lâche, là elle le raccompagne en fouetteuse, elle le renvoie à la maison en l’écrasant de ses talons. » Seul bémol, l’oeil expert d’Anne Boulay remarque qu’« elle a quand même galéré avec ses talons. Elle aurait dû s’entraîner avant de sortir de chez elle ».

Christine Lagarde, numéro 3 : C’est le prix de l’effet de surprise. La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, récompensée pour ses audacieuses et vaporeuses robes de soirée, régulièrement exhibées lors des dîners présidentiels. « C’est Cannes à l’Elysée ! », s’exclame François Bazin. Gaël Sliman souligne des tenues surprenantes par rapport à son image de rigueur habituelle. Rien de spécial, pourtant, pour Anne Boulay : « Elle est comme toutes les femmes américaines : à 17 heures, elle se met en robe de soirée ! »

 

NOUVEL OBS VISUEL placeLes jeunes espoirs : Placé et Belkacem

 

Examinons la relève. Jeannette Bougrab ? Elle fait la percée de l’année : à peine nommée présidente de la Halde, la voilà propulsée au secrétariat d’Etat à la Jeunesse. Mais son côté « vamp sorcière », repéré par François Bazin, la dessert. La ministre des Sports, Chantal Jouanno, récemment relookée avec coupe garçonne et Perfecto ? Anne Boulay lâche : « Elle, elle veut être chanteuse à Monaco ! »

Laurent Wauquiez tient un moment la corde, au point que Sébastien Thoen le compare à l’étoile montante de Canal+ : « C’est le Ali Baddou de l’UMP. » Gaël Sliman, lui, s’enflamme sur le cas de la jolie Najat Vallaud-Belkacem, proche de Ségolène Royal. « Elle est pétillante, maligne, elle a un super charisme, même si elle n’a pas forcément choisi le bon cheval. » Elle est élue première dauphine, doublée dans la dernière ligne droite par un outsider surprise : Jean-Vincent Placé, homme fort des Verts, raillé par ses camarades écolos pour ses costumes de banquier. Il a tout compris, observe François Bazin : « Les hommes politiques s’habillent souvent comme la fonction à laquelle ils aspirent. Placé s’habille déjà comme un sénateur. »

 

 

NOUVEL OBS VISUEL baroinLe meilleur relooking : Baroin

 

François Baroin, numéro 1 : C’est la nouvelle coqueluche du moment : le ministre du Budget, François Baroin qui, via une simple coupe de cheveux et l’abandon des lunettes, se retrouve propulsé directement en pole position. « C’est le mec qui se faisait taper en primaire dans la cour de récré », imagine Sébastien Thoen devant les photos du Baroin d’avant. « Il est passé du Schtroumpf à lunettes à super beau gosse », résume Gaël Sliman. « C’est la plus belle évolution dans la discrétion », approuve Caroline Baly. François Bazin, lui, constate qu’« il a maintenant le look de sa voix », grave et suave… Enfin, pour Anne Boulay, qui l’a mis en une du prochain « GQ », c’est tout simplement « une bombe atomique ! ». « Il a trouvé son style, il s’est bonifié. ». N’en jetez plus, il a gagné.

François Hollande, numéro 2 : Transfiguration spectaculaire pour François Hollande qui, cette dernière année, a changé de style, et surtout fondu comme neige au soleil. D’ailleurs, on peut lire cette évolution en parallèle avec celle de son excompagne. « Comme Ségolène Royal, son relooking a un sens politique, analyse Gaël Sliman. Pendant dix ans il s’est enfermé au PS ; aujourd’hui il montre qu’il s’est remis en selle. Mais il a perdu trop de poids, il fait malade. C’est dommage, il a un vrai projet politique et on ne l’interroge que sur son régime ! ». « Il ne parle plus que de ça », regrette aussi Anne Boulay. Bref, le jury lui accorde la deuxième place, mais assortie d’un conseil : « Reprends 5 kilos ! »

Marine Le Pen, numéro 3 : Acceptant pour l’occasion (assez peu idéologique) d’examiner le cas de Marine Le Pen au même titre que les autres figures politiques, les jurés remarquent que sa stratégie de « dédiabolisation » du FN se lit très nettement sur sa propre image. Avant : visage rougeaud, cheveux en bataille et sourire carnassier. Maintenant : dix kilos de moins et look plus moderne. Sébastien Thoen commente les photos de cette évolution : « Là, elle a avalé son père. Et là, ça va beaucoup mieux. » Signalons que le jury s’est réuni avant les dernières déclarations de Le Pen. La preuve qu’un relooking ne suffit pas à chasser le naturel.

Ségolène Royal, numéro 4 : En termes de métamorphose, c’est la première qui vient à l’esprit. « Elle était moche quand elle était jeune, et elle devient un bolide en vieillissant. Elle a pris 25 ans et gagné 25 points ! », s’exclame crûment Gaël Sliman. Rendons à César… : c’est bien l’ex-candidate à la présidentielle qui a mis la question de l’apparence sur le tapis politique, en jouant les reines de beauté pendant la campagne de 2007. Depuis ses débuts dans les années 1990, Ségolène Royal a en effet beaucoup changé, au gré de ses fonctions et de ses ambitions. Récemment, après une brève phase de flottement politique et vestimentaire (« mémérisation », ont dit certains jurés), on l’a vu réapparaître en septembre en élégant et strict tailleur noir. Comme si elle s’était « re-présidentialisée », dit un juré. Il n’empêche, les métamorphoses de Ségolène ont déjà été tellement auscultées qu’elle ne récolte qu’une petite quatrième place, pour actualité un peu défraîchie.

Cécile Duflot, numéro 5 : Caroline Baly : « Elle est vachement bien sur une photo ou deux, mais elle n’arrive pas à tenir le cap. Elle fait un pas en avant, un pas en arrière. »

Lisa Vaturi

 

publié le 22/12/2010

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